Ecr. Volt. !
Il est de bon ton, actuellement, d'accuser Voltaire de tous les vices. Et Dieu-Allah-Yahvé (soyons œcuménique) savent s'il en avait : méchant camarade, courtisan, raciste, partisan de l'ordre injuste, exploiteur. Ce qui m'amuse (façon de dire) c'est qu’autrefois dans mon éducation intégriste on le vomissait aussi*... mais sans évoquer ceux-là, seulement ce qui le rend toujours et plus que jamais indispensable : sa dénonciation du fanatisme religieux, son combat pour la tolérance, la liberté de penser, sa défense des victimes. (C'est ainsi que j'ai découvert, récemment, son soutien aux serfs du Jura contre les moines de l'Abbaye de Saint-Claude, qui n'y allaient pas de main-morte ou plutôt si, n'allez pas là-bas dire du mal de lui).
Ce n'est pas un hasard je pense, à notre époque et dans notre pays où les religions redressent la tête et cherchent à retrouver une domination qu'elles ont perdue (le tradi-catholicisme) ou veulent gagner (l'islamisme), qu'on exhibe ses casseroles en prenant soin de cacher ses combats.
Ce n'est pas un hasard s'il figure dans mon anthologie, avec un texte d'une totale intemporalité :
« Misérables médecins des âmes, vous criez pendant cinq quarts d'heure sur quelques piqûres d'épingle, et vous ne dites rien sur la maladie qui nous déchire en mille morceaux ! Philosophes moralistes, brûlez tous vos livres. Tant que le caprice de quelques hommes fera loyalement égorger des milliers de nos frères, la partie du genre humain consacrée à l'héroïsme sera ce qu'il y a de plus affreux dans la nature entière.
Que deviennent et que m'importent l'humanité, la bienfaisance, la modestie, la tempérance, la douceur, la sagesse, la piété, tandis qu'une demi-livre de plomb tirée de six cents pas me fracasse le corps, et que je meurs à vingt ans dans des tourments inexprimables, au milieu de cinq ou six mille mourants, tandis que mes yeux, qui s'ouvrent pour la dernière fois, voient la ville où je suis né détruite par le fer et par la flamme, et que les derniers sons qu'entendent mes oreilles sont les cris des femmes et des enfants expirants sous des ruines, le tout pour des prétendus intérêts d'un homme que nous ne connaissons pas. »
Voltaire, article « Guerre », Dictionnaire philosophique portatif
* Je me cite : « Comme dans une secte, nous étions soumis à une pensée unique pilonnée sans relâche, sans libre examen cette pratique protestante élargie au Siècle des Lumières vomi par nos Maîtres Penseurs : les Diderot, Rousseau et Voltaire renversés comme le Veau d'Or – cet infâme Voltaire qui, nous disait-on, était mort en mangeant ses excréments. »