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Al Ceste un jour sur trois (ou quatre) !
24 février 2016

" Je ne puis servir les autres qu'en étant moi-même "

 

morvan-lebesque-1

 

 

Il est un écrivain qui me suit depuis le début de mon âge d’homme. Je l’ai découvert dans ses chroniques du Canard Enchaîné. Il m’a appris la curiosité (avec cette maxime placée au fronton d’un musée nantais et de l’un de ses livres : « L’inconnu me dévore »). Et surtout l’indignation, mais sans la haine qui est souvent la marque de fabrique des pamphlétaires. Il a fustigé l’état gaulliste, le colonialisme, l’OAS, l’Église catholique (mais salué Jean XXIII à sa mort, car il avait l’anti-cléricalisme éclairé) et de façon générale les injustices dont il avait connaissance. Il a honoré le Victor Hugo du peuple et de manière générale fait l’éloge des humbles, non, des humiliés. C'est vrai qu'il était né dans un bas quartier de Nantes, qu'un prof de lycée lui avait suggéré de se borner à la condition ouvrière : « Mon cher enfant, vous voyez bien que vous n’êtes pas ici à votre place. Qu’attendez-vous, que vos petits camarades vous fassent un affront ? Que diable, il n’y a pas de honte à être un ouvrier ! ». Il s'était donc accroché aux études.

Il s’appelait Morvan Lebesque.

Pourquoi parler de lui aujourd’hui ?

Pourquoi, alors que son histoire comporte plusieurs années où il fraya avec la collaboration pétainiste ? Période qu’il n’assuma jamais publiquement, et qui permet à certains esprits bornés de le réduire à ça ? Période qu'il convient de ne pas ignorer certes, mais enfin... Il n'a pas vécu assez longtemps pour qu'on l'interroge de visu sur cette période où l’amour de sa Bretagne opprimée l’emportait sur le reste (c'est mon hypothèse). Pour nous expliquer ce qui l'a fait évoluer alors que des Rebatet, des Darquier de Pellepoix, autrement plus engagés dans la collaboration, n'ont jamais assumé leurs fautes, au contraire. On peut le regretter. Bon, j'ai quand même trouvé ceci :

//En 1961, il revient aussi sur son passé raciste lors de son passage au PNB, et qualifie cette idéologie de « défaillance de l’esprit ». //

Source : http://www.patrimoine-parisbreton.org/morvan-lebesque/

- Pour la beauté de sa plume.

- Pour son amour d'un Camus toujours actuel malgré le dédain des roués. Il lui a consacré un petit livre au Seuil, dans la collection Écrivains de toujours.

- Pour son rare parcours de droite à gauche, tant de Gallo, de Guaino, de Finkielkraut de Giesbert font l’inverse, tant de Buisson vont de droite à droite. Surtout qu’il a fini à gauche en un temps, celui du gaullisme triomphant et de la gauche en miettes, où ce n’était pas vraiment la bonne façon d’être du côté du manche.

- Et aussi, et beaucoup, pour cet extrait de « Comment peut-on être Breton, essai sur la démocratie » (Le Seuil, 1972, réédité) :

« Se vivre est une mer », dit Sponde. Notre siècle nous laisse peu le loisir d’en explorer les fonds. Avant de savoir qui nous sommes, il nous faut descendre dans la rue, choisir notre camp, nous qui n’avons même pas eu le temps de nous choisir, épouser les passions d’autrui, nous qui connaissons à peine les nôtres, discerner le juste et l’injuste – et en grande hâte, car avant le soir, le juste vainqueur sera injuste à son tour. Cernés de couteaux et de voix qui nous jettent des ordres, aurons-nous le temps d’entrevoir une seule vérité à emporter dans la mort ? Une vérité, ce serait beaucoup. Je n’ai qu’une croyance et dans ce livre, je me suis borné à l’éprouver, comme celui qui, ayant trouvé un sou dans la terre, le tend aux passants dans le creux de sa main pour savoir si c’est de l’or ou du plomb. Il me paraît que le monde n’a de sens que dans le respect des pluralismes et que son sort se joue à tous les niveaux pour ou contre cette définition. Breton, Français et citoyen du monde, qui me dénie une seule de ces composantes me rejette de la communauté ; je ne veux pas nourrir en moi une part maudite qui maudirait mes frères ; je ne puis servir les autres qu’en étant moi-même. Cela s’appelle la démocratie, qui n’est que l’ordre naturel des hommes. Sur un point, pourtant, ma foi est plus précise : je crois aux pauvres. Je crois aux peuples qu’on a vaincus, soumis, humiliés, qu’on a faits valets, mercenaires, putains, à qui on a accroché un sabot au cou.

Relisez bien : « Il me paraît que le monde n’a de sens que dans le respect des pluralismes et que son sort se joue à tous les niveaux pour ou contre cette définition. Breton, Français et citoyen du monde, qui me dénie une seule de ces composantes me rejette de la communauté ; je ne veux pas nourrir en moi une part maudite qui maudirait mes frères ; je ne puis servir les autres qu’en étant moi-même. Cela s’appelle la démocratie, qui n’est que l’ordre naturel des hommes. »

Remplacez « Breton » ou « Français » par tout nom que vous voulez, l’essentiel est d’arriver à « citoyen du monde ». Relevez aussi ce qui est pour moi la clé de voûte : « je ne puis servir les autres qu’en étant moi-même ».

Et maintenant, étalonnez ce texte admirable à l’aune des communautarismes qui nous rongent. Demandez-vous ce que Lebesque penserait du destin de son utopie. Voyez s’il y a une troisième voie entre le nivellement mondial et le repli identitaire, principalement religieux, le nationalisme étroit, générateurs de conflits, entre le nombrilisme mortifère à plusieurs et l’anonymisation itou de tous…

(Ses Chroniques du Canard, en trois volumes, sont trouvables sur la toile)

 

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Commentaires
A
Si on lit les Chroniques, on en trouve des datées (exemple celle dédiée au naufrage du Saint Philibert,1936, tel qu'évoqué par une grenouille de bénitier de la presse nantaise en 1965.<br /> <br /> <br /> <br /> (fin du texte) ...Ce Dieu bouffon, organisateur de catastrophes-miracles, rien que pour les vingt voitures d'enfants flottant au-dessus de l'épave, au seul nom des innocents qui ce jour-là périrent dans les flots, je lui crache à la face. Quant à certains catho­liques, je ne leur veux pas de mal, au contraire : je voudrais que leur Dieu fît un miracle pour eux, un miracle sans oura­gans, naufrages, désastres ni morts d'enfants : qu'il les rende seulement un peu moins bêtes.<br /> <br /> ............<br /> <br /> <br /> <br /> mais aussi, des intemporelles, d'une totale actualité
U
Oui,<br /> <br /> <br /> <br /> Morvan était une personnalité fort tonique et intéressante.<br /> <br /> <br /> <br /> Ça ne nous rajeunit pas :)<br /> <br /> <br /> <br /> Underzevolkano
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