Lucky Luke est-il misogyne ?
En ces temps où on s'amuse d'un rien, des tempêtes dans le verre d'eau de l'Opéra aux empaillages entre Kid Laïcard et Battle Muslim, soyons sérieux et abordons un sujet de la plus haute importance : Lucky Luke est-il misogyne ? C'est au moins la question posée, parait-il, pour la commémoration de ce septuagénaire à Angoulême.
Il aurait donc rejoint Hergé cantonnant ces dames dans de la figuration revêche comme Madame Lampion, niaise et pleurnicharde comme Irmâââ ! et donné le seul premier rôle à la Castafiore qui passe du pittoresque initial au déplaisant (« ciel mes bijoux !» et « ma pauvre fille ») et n'oublions pas la femme de ce pauvre Zapata, harpie majeure (Tintin et les Picaros). Rejoint Alex Raymond flanquant Flash Gordon d'une superbe pin-up uniquement occupée à se faire attaquer par des kyrielles de méchants et sauver par son héros préféré sans avoir levé le moindre petit poing ou parapluie pour se défendre toute seule, comme une grande.
Moi qui jusque là ne m'étais jamais posé la question, inquiet je suis allé relire pour la cent-unième fois l’intégrale des Morris-Goscinny (les suites*, non merci). Et j'en suis revenu soulagé : c'est non !
Les femmes, graphiquement, ne sont ni plus ni moins dessinées à la tronçonneuse que les messieurs. Alors que, si on ne trouve jamais de beaux hommes, on rencontre à plusieurs reprises de très jolies demoiselles comme sur ce plan d'ensemble d'une rue de la Nouvelle-Orléans (première page d'En remontant le Mississipi). Et l'institutrice, personnage récurent, a beaucoup de charme derrière ses grandes lunettes rondes. Bon, d'accord, quand il s'agit de moquer une congrégation tout aussi récurrente, les punaises de sacristie en noir et noir, le crayon s'aiguise et les nez s'allongent
Mais pour le caractère, la personnalité, elles devancent les mâles. Alors que ceux-ci sont souvent cruels, bêtes, cyniques, naïfs, vantards, versatiles et surtout lâches (hormis Luke et de rares courageux capables de s'opposer à Billy the Kid etc.), elles sont courageuses (Gussie Mc Guire dans La Ville fantôme) sensées comme Madame Mulligan (Western Circus) ou Mesdames O'Timmins et O'Hara (Les Rivaux de Painful Gulch). Bon, il y a aussi les Puritan's girls, la plantureuse Lulu Carabine et quelques dames qui osent, quel crime, soigner leur mari au rouleau à pâtisserie de La Caravane ! Calamity Jane, b... de m..., est respectée et permet d'évoquer ses mélancoliques Lettres à sa fille.
De toutes façons, se moquer des hommes n'étant pas un crime, se moquer des femmes pas plus. Et, même là, vive l'égalité des sexes !
* Il y a quand même un album ouvertement sexiste (et même, homophobe) : La Fiancée de Lucky Luke. Comme ce n’est pas un Goscinny, vous pouvez l'ignorer. Pour Hergé, une seule belle femme : Madame Sanders-Hardmuth (Les Sept boules de cristal), ça ne fait pas la rue Michel.